Datation au carbone 14 : comment tout comprendre en 10 minutes

Datation au carbone 14 : comment tout comprendre en 10 minutes

La datation au carbone 14, tout comprendre de cette méthode

La datation au carbone 14, tu en as déjà entendu parler? C’est une technique largement répandu et qui reste pourtant bien souvent une grosse boite noire! Je te propose un article pour enfin tout comprendre de cette méthode incontournable!

La radioactivité, la base de la datation au carbone 14

Pour bien comprendre comment fonctionne la datation au carbone 14, il faut tout d’abord s’intéresser à la radioactivité ! Qu’est-ce que la radioactivité ?

Rendez-vous au cœur de la matière !

Les atomes, ces fameuses petites boules qui constituent tout ce qui nous entoure, sont formés de deux éléments. Le premier, au centre de la petite boule, c’est le noyau. Lui-même contient ce qu’on appelle des neutrons et des protons. Autour de ce noyau, des électrons tournent très très vite.

Dans certaines conditions, les atomes gagnent ou perdent des neutrons. Autant, un atome qui a sa quantité « normale » de neutrons est super stable. Autrement dit, il peut rester lui-même durant très longtemps pour ne pas dire une éternité. Autant quand il a un (ou plusieurs) neutron(s) en trop, il n’est pas stable et il va tenter par tous les moyens d’éjecter ce neutron en trop.

Au bout d’un moment, ses efforts vont être récompensés et cet atome au nombre « anormal » de neutrons va disparaitre pour former d’autres atomes plus stables. On dit qu’il se désintègre. En faisant cela, il va émettre un rayonnement (c’est-à-dire de l’énergie).

La désintégration peut être très rapide. C’est le cas pour l’atome de Polonium 212 qui disparait pour moitié au bout de 0,29 microseconde. Ou au contraire, elle peut être très lente comme pour l’atome de Rubidium 87 qui va mettre plusieurs 47 milliards d’années avant de se désintégrer (tu peux trouver d’autres exemple par ici).

Et c’est cela la radioactivité : des atomes qui se désintègrent. Et c’est sur ce principe que repose la datation au carbone 14.

La radioactivité est la base de la datation au carbone 14
Ce sigle est celui de la radioactivité, la base de la datation au carbone 14

Qu’est-ce que le carbone 14 au cœur de la datation?

Maintenant, regardons de plus près les atomes de carbone. Lorsqu’il est sous la forme la plus stable, il contient 6 protons, 6 neutrons et 6 électrons. On l’appelle alors le Carbone 12 (12C) Dans ce cas, le carbone n’est pas radioactif. C’est sous cette forme qu’on le rencontre le plus.

Mais très haut dans l’atmosphère de la Terre, entre 15 et 18 km d’altitude, il se passe des choses extraordinaires ! Le vent solaire et ses puissants rayonnements sont capables d’offrir un ou deux neutrons de plus aux atomes de carbone qui se trouvent dans les alentours. Ils forment alors des atomes de Carbone 13 (un neutron en trop, 13C) et des atomes de Carbone 14 (2 neutrons en trop, 14C). Alors que le Carbone 13 est stable et peut rester tel quel pendant une éternité, le Carbone 14 n’est pas stable, il est radioactif. Il va donc se désintégrer petit à petit.

Avec le temps, le Carbone 14 va se transformer en azote (du gaz, pour faire simple !) et un rayonnement.

Soyons bien d’accord, les atomes de Carbone 12, Carbone 13 et Carbone 14 correspondent tous au même atome de carbone. Simplement, cet atome se trouve sous différentes formes que l’on appelle des isotopes.

C’est le carbone 12 qui est le plus courant. Imaginons qu’on prenne 1 000 milliards d’atomes de carbone, un seul serait du Carbone 14 ! Il y aurait 10 milliards d’atomes de Carbone 13. Le reste, serait du carbone 12.

Les atomes de carbones 14 sont produits très haut dans le ciel.
C’est très haut dans le ciel que sont produits les atomes de carbone 14

Ou trouve-t-on du carbone 14 ?

Comme je l’ai dit à l’instant, le carbone 14 est un atome de…carbone ! Donc il va agir comme tel jusqu’à ce qu’il se désintègre. C’est-à-dire ? Et bien par exemple, il va réagir avec les atomes d’oxygène pour former le fameux CO2, le dioxyde de carbone.

Et lorsque les plantes vont se mettre à faire de la photosynthèse (une réaction essentielle qui leur permet de produire l’énergie nécessaire à leur vie), elles vont prendre ce CO2. Les plantes vont donc absorber du carbone 14 au cours de leur vie. Bien sûr, les plantes auront beaucoup plus de carbone 12 que de carbone 14, mais ce dernier sera tout de même présent ! Et oui ! Les plantes sont radioactives !

Puis, des animaux herbivores vont manger ces plantes qui contiennent du carbone 14 et vont, à leur tour, absorber une certaine quantité de carbone 14.

Après cela, ce sont les animaux carnivores et les humains qui mangeront les herbivores…et le carbone 14.

Tu l’auras compris, c’est toute la chaine alimentaire, tous les êtres vivants qui contiennent une faible part de carbone 14. Annonce au prochain repas de famille que tu es radioactif…effet garanti !

le carbone 14 nécessaire à la datation se retrouvent dans tous les organismes vivants
Les atomes de carbone 14 se retrouvent dans tous les organismes vivants

Principe de la datation au carbone 14

Maintenant que l’on sait que tout le monde est radioactif, on va pouvoir s’intéresser au principe de la datation au Carbone 14 !

Les organismes vivants absorbent des atomes de 14C et des atomes de 12C au cours de leur vie.

A partir du moment où ces organismes meurent, le carbone n’est plus intégré par les cellules. Le 12C n’est pas modifié mais le 14C, lui, se désintègre progressivement. Et comme il n’est plus remplacé par manque d’absorption, il disparait petit à petit.

Les scientifiques savent quelle quantité de 14C il y avait lorsque l’organisme était vivant (grâce à la présence du 12C qui restent en place). Ils peuvent mesurer la quantité de 14C qu’il reste dans un échantillon grâce à la radioactivité émise. On dit qu’ils mesurent l’activité radiologique du 14C. Ils sont donc capables de dire combien de 14C ont disparu et donc le temps écoulé depuis la mort de l’organisme (on parle alors d’âge absolu).

Oui, parce que, tu t’en doutes peut-être, le 14C ne se désintègre pas de manière aléatoire. On connait précisément sa vitesse de désintégration : tous les 5730 ans, la moitié des atomes de carbone 14 se désintègrent. C’est ce qu’on appelle la « période » du 14C, ou sa demi-vie.

Imagine que tu as 100 atomes de carbone 14. 5730 ans plus tard, il t’en reste 50. Si tu attends encore 5730 ans, tu en auras 25 et ainsi de suite.

Le fait de pouvoir dater la mort de quelque chose va être très utile dans de nombreux domaines : l’archéologie pour retracer l’histoire d’un site, la volcanologie pour étudier l’activité des volcans, la climatologie pour savoir quel était le climat à un endroit précis de la Terre, l’océanographie pour comprendre la faune et la flore des océans…

La datation au carbone 14 permet de dater la mort d'un organisme
La datation au carbone 14 permet de dater la mort d’un organisme à partir de ses restes.

Les limites de la datation au carbone 14

Bien que révolutionnaire, cette méthode présente quand même quelques inconvénients !

Le carbone 14 disparait

Comme je viens de te le dire, le carbone 14 est pour moitié désintégré après 5730 ans. De plus, la quantité de carbone 14 dans l’air est vraiment très faible. Dans ces conditions, on comprend que les quantités de carbone 14 présentes dans un échantillon deviennent non-détectables après un certain temps! C’est le cas lorsqu’un échantillon a plus de 50 000 ans. Autrement dit, on ne peut pas utiliser cette technique de datation pour un évènement trop lointain. Par exemple, ce n’est pas avec elle que l’on va pouvoir étudier les dinosaures disparus il y a environ 65 millions d’années ! Mais jusqu’à la préhistoire, cette technique est bien plus précise que ce qui était utilisée jusqu’à présent.

Pour des échantillons qui sont plus vieux, on peut utiliser d’autres atomes radioactifs pour mesurer l’âge, tel que le potassium et l’argon ou le rubidium avec le strontium.

La datation au carbone 14 est soumise à la présence de cet élément
La quantité de carbone 14 diminue rapidement avec le temps

La quantité de carbone 14 atmosphérique change

Une autre limite de cette technique vient du fait que l’on se base sur l’hypothèse que la quantité de carbone 12 et carbone 14 dans l’air a toujours été identique. Si cela est vrai, un animal mort il y a 100 ans, 1 000 ans ou 10 000 ans aurait une même quantité de carbone 14 dans son organisme au moment de sa mort. Or, on sait que ce n’est pas vrai ! Différents phénomènes ont modifié la présence de carbone 14 dans l’atmosphère comme l’intensité des rayonnements cosmiques en provenance du soleil ou, plus récemment, les essais nucléaires ou le rejet massif de C02 dans l’air.

Pour contrer cette limite, les scientifiques ont légèrement modifié leurs calculs pour que la courbe qui montre la désintégration du Carbone 14 en fonction du temps soit plus juste. On appelle cette deuxième courbe, la courbe de calibration ou courbe étalon. Cette dernière est continuellement ajustée par les chercheurs au cours de leurs travaux.

La datation au carbone 14 peut varier selon la quantité de radioactivité dans l'atmosphère
Les essais nucléaires réalisés dans les années 50 et 60 ont augmenté la présence de radioactivité dans l’atmosphère

La datation au carbone 14 ne fonctionne pas sur tout

La datation au carbone 14 ne concerne que ce qui a été vivant à un moment donné. Impossible avec lui de dater une pierre, ou une belle peinture. Par contre, on va pouvoir dater des os, des plantes, des coquillages, du bois ou encore des graines.

La mesure de la radioactivité est délicate. En effet, le nombre d’atomes de carbone 14 est faible. Seulement une petite partie de ces atomes se désintègrent à un moment donné et donc émet de la radioactivité. Il est donc difficile de la détecter. D’autant plus que la nature qui nous entoure, comme on l’a vue, émet elle-même de la radioactivité. Il faut donc arriver à différencier la radioactivité qui vient de notre échantillon en cours d’analyse et celle qui vient de notre environnement.

Pour contourner cette difficulté, des nouvelles méthodes d’analyse sont aujourd’hui utilisées pour arriver à détecter cette faible radioactivité. Cela s’appelle la spectrométrie de masse et elle utilise non plus la radioactivité émise mais la masse des atomes de carbone 14.

la datation au carbone 14 n'est pas applicable aux minéraux
En plus d’être présente en très faible quantité, le carbone 14 n’est pas présent dans la roche

Les subtilités de la datation au carbone 14

Enfin, en utilisant cette technique de datation, il faut avoir conscience de quelques subtilités. Par exemple, dans le cas d’un arbre, le carbone 14 n’est absorbé que par les parties qui grandissent. Autrement dit, le cœur du tronc n’absorbe plus de carbone 14 alors que le pourtour en absorbe toujours. D’où l’intérêt de regarder précisément où on prélève l’échantillon à dater pour savoir si on va calculer plutôt l’âge de la formation du cœur ou plutôt l’âge de la mort du pourtour.

Autre subtilité, si jamais je trouve un mocassin fait en cuir de bison. Je peux le dater. J’obtiendrai alors l’âge de la mort du bison. Pas l’âge de la mort de la personne qui le portait. Ces deux dates peuvent être très proches l’une de l’autre et donc l’écart insignifiant. Mais si les mocassins se sont transmis de génération en génération sur 10 000 (ce qui est peu probable pour des mocassins, on est bien d’accord) alors l’écart sera signifiant !

Quelques subtilités à la datation au carbone 14
La datation au carbone 14 permet de connaitre la mort de l’animal qui a été utilisé pour les faire mais pas celle de leur propriétaire

Histoire

L’existence du carbone 14 a été découverte lorsque 3 chimistes l’ont synthétisé en 1939. C’est à ce moment que Serge Korff, chimiste américain, découvre ses propriétés ainsi que son lieu de fabrication dans la haute atmosphère.

10 ans plus tard, un certain monsieur Willard Frank Libby, physicien-chimiste américain, reprend les découvertes de son prédécesseur et arrive à déterminer, pour la première fois, l’âge d’un échantillon grâce au 14C[1]. Il s’agissait d’un échantillon de bois venu en droite ligne de tombes égyptiennes et vieille de 4 600 ans.

Il faut savoir que les dates mesurées grâce à cette méthode s’écrivent avec un « BP » à la fin (par exemple 12 000 BP). Ces lettres signifient « Before Present » (autrement dit « avant le présent ») et le « présent », en l’occurrence c’est 1950, date de la mise au point de cette technique. Donc 12 000 BP veut dire 12 000 ans avant 1950.

La datation au carbone 14 fut mise au point par Willard Frank Libby
Willard Frank Libby mis au point la méthode de datation au carbone 14

Revenons à la mise au point de la technique de datation au 14C. Ce fut une réelle avancée qui valut à son inventeur le prix Nobel de Chimie en 1960.

La technique continue toujours d’être améliorée ! Ainsi, en 2012, les mesures étaient fiables jusqu’à 26 000 ans. Quelques années plus tard, des chercheurs se rendent comptent que la quantité de 14C n’est pas la même dans l’hémisphère nord et l’hémisphère sud[2]. En 2019, une équipe de chercheurs arrive à calibrer les nouvelles mesures pour atteindre les 40 000 ans puis, peu de temps après, ils atteignent les 54 000 ans[3].

Plus récemment encore, en 2020, un projet international a permis de repousser encore un peu la limite d’âge jusqu’à 55 000 et d’avoir trois courbes d’étalonnage (l’une pour l’hémisphère nord, l’une pour l’hémisphère sud et la troisième pour le milieu marin).[4]–[6]

As-tu déjà vu des objets ou autres datés au carbone 14?

Bibliographie de la datation au carbone 14

[1]         W. F. Libby, E. C. Anderson, et J. R. Arnold, « Age Determination by Radiocarbon Content: World-Wide Assay of Natural Radiocarbon », Science, vol. 109, no 2827, p. 227‑228, mars 1949, doi: 10.1126/science.109.2827.227.

[2]         S. W. Manning et al., « Fluctuating radiocarbon offsets observed in the southern Levant and implications for archaeological chronology debates », Proc. Natl. Acad. Sci., vol. 115, no 24, p. 6141‑6146, juin 2018, doi: 10.1073/pnas.1719420115.

[3]         H. Cheng et al., « Atmospheric 14 C/ 12 C changes during the last glacial period from Hulu Cave », Science, vol. 362, p. 1293‑1297, déc. 2018, doi: 10.1126/science.aau0747.

[4]         R. Muscheler et al., « Testing and Improving the IntCal20 Calibration Curve with Independent Records », Radiocarbon, vol. 62, no 4, p. 1079‑1094, août 2020, doi: 10.1017/RDC.2020.54.

[5]         A. G. Hogg et al., « SHCal20 Southern Hemisphere Calibration, 0–55,000 Years cal BP », Radiocarbon, vol. 62, no 4, p. 759‑778, août 2020, doi: 10.1017/RDC.2020.59.

[6]         T. J. Heaton et al., « Marine20—The Marine Radiocarbon Age Calibration Curve (0–55,000 cal BP) », Radiocarbon, vol. 62, no 4, p. 779‑820, août 2020, doi: 10.1017/RDC.2020.68.

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14 réponses

  1. Isabelle dit :

    Vraiment passionnant. On pense savoir ce qu’est la datation au carbone 14 et en fait pas du tout.
    Du coup, est-ce que ça marcherait pour des manuscrits, le support étant du parchemin et les pigments végétaux ou animaux ?

    • On pourrait dater le parchemin…mais on saurait quand le papyrus (ou quel que soit le support) est mort. Pas quand le parchemin a été écrit! C’est la même chose pour les pigments utilisés. Bon, après, je suppose qu’il ne s’écoule pas trois millénaires entre la mort d’un papyrus et la fabrication d’un parchemin puis son utilisation!

  2. Cécile dit :

    Très bien expliqué ! Article super intéressant…même pour les grands 😉

  3. Merci pour ce superbe article ! Moi qui avais commencé des études d’archéologie il y a fort longtemps, je n’avais pas atteint la partie du cours qui parlait de carbone 14. Je me suis toujours demandé comment ça fonctionnait. Et bien grâce à toi, je sais à présent, merci 🙂

  4. Fabienne dit :

    C’est vraiment fascinant de découvrir que c’est le carbone 14 qui est utilisé pour la datation des éléments. Je n’en avais pas connaissance auparavant.

  5. sara dit :

    J’ai plusieurs fois tenté d’expliquer la datation au carbone 14 à mes élèves et franchement, je n’étais pas aussi claire ! Cette fois, je sais ce que je leur dirais : d’aller lire cet article fantastique !

  6. Isabelle Frappier dit :

    Je suis passionnée par l’histoire et l’archéologie alors je connaissaus déjà les grandes lignes de la datation au carbone 14; mais grâce à ces explications, j’ai appris encore plus et j’en suis ravie. Merci beaucoup!

  7. Nadjib dit :

    Un article fascinant qui démystifie la datation au carbone 14 en seulement 10 minutes ! Les explications claires et concises rendent ce sujet complexe accessible à tous. Merci pour cet éclairage instructif sur une méthode si essentielle pour comprendre l’histoire de notre planète. 🌍🔬

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