Théorie de la génération spontanée, un conflit scientifique historique

Théorie de la génération spontanée, un conflit scientifique historique

Le conflit de la théorie de la génération spontanée

La théorie de la génération spontanée fait partie de l’histoire des sciences…et j’adore l’histoire des sciences! Redécouvrir comment les hommes et les femmes ont tâtonné pour comprendre tout ce qui les entoure est tout simplement extraordinaire et donne une valeur particulière à nos connaissances! D’autant plus quand différentes théories sont à l’origine d’un conflit scientifique, comme ce fut le cas pour la théorie de la génération spontanée! Alors je te propose de partir à la rencontre de ces savants qui ont fait l’histoire des Sciences!

Cet article participe à l’événement « Votre formule gagnante pour sortir d’un conflit » du blog Saines Habitudes de Vie. J’aime beaucoup ce blog pour toutes les astuces et les bons conseils que j’y lis. J’ai particulièrement aimé l’article sur le minimalisme puisqu’il correspond à mon état d’esprit!

Naissance de la théorie de la génération spontanée

La théorie que l’on appelle « la génération spontanée » existe depuis très longtemps.

Une théorie qui remonte à l’Antiquité

C’est Aristote (au IVème siècle avant Jésus Christ) qui, en premier posa par écrit cette théorie dans son livre intitulé Organon. Il ne parlait pas alors de génération spontanée, mais l’idée était bien là ! Quelle idée ? Celle qu’un être humain peut apparaitre, là, comme ça, sans parent, juste avec un peu de matière inanimée.

C’est ainsi qu’il explique, par exemple, que des moisissure (qui sont des champignons, et donc des êtres vivants) apparaissent sur de la nourriture. Selon lui, un bon steak (qui n’est plus un être vivant, on est bien d’accord) serait un environnement parfait pour que des moisissures se développent sans qu’il y ait besoin de quoi que ce soit d’autre…qu’un steak !

Pour aller plus loin, Aristote explique même que des souris peuvent naître d’un tas de vieux vêtements abandonnés. Sans qu’il soit question de papa souris et maman souris !

Aristote et la théorie de la génération spontanée
Aristote fut le premier à mentionner la théorie de la génération spontanée

Une théorie ancrée dans les esprits

Cette vision des choses peut nous sembler complètement aberrante, et pourtant elle s’est imposée d’elle-même durant deux millénaires ! Il était inenvisageable de penser autrement !

D’autant plus quand la religion chrétienne est arrivée avec la Bible qui expliquait que Dieu avait créé le monde en 7 jours. Nous étions bien là, face à un cas de génération spontanée : les espèces animales ont été mise en place du jour au lendemain. Puis Jésus est né de Marie sans qu’un père biologique soit nécessaire. C’est l’Immaculée Conception. Il n’était pas question de reproduction non plus ! Preuve était faite que la génération spontanée existait !

Un autre fait qui venait renforçait l’autorité de cette théorie, c’est qu’il était difficile, pour ne pas dire impossible, de voir ce qui était petit. Autrement dit, ce n’est que depuis relativement récemment que l’on est capable d’observer des spores à l’origine des moisissures ou les œufs de mouches, à l’origine des vers qui apparaissent sur de la nourriture ! Il était donc bien difficile de soupçonner l’existence de ce qui était invisible !

Une théorie soutenue par de nombreux scientifiques

De nombreux scientifiques et philosophes tels que Descartes, Saint-Hilaire, Thomas d’Aquin, Lavoisier ou encore Lamarck soutenaient cette théorie.

Un certain monsieur John Turberville Needham (biologiste anglais du XVIIIème siècle) publia d’ailleurs ses observations faites au microscope et qui lui permettaient de conclure à l’existence de la génération spontanée. Selon lui, « la vie prend naissance du néant par la volonté de Dieu ». Il a consigné tout cela dans son livre « Découvertes faites avec le microscope »[1] publié en 1747. Needham y propose une théorie qui explique l’apparition d’une nouvelle vie : des « germes de vie » se promèneraient dans l’air avant de s’assembler pour former un nouvel organisme. Pas besoin d’un papa et d’une maman, c’est la génération spontanée.

Needham prouve la véracité de la théorie de la génération spontanée
Par des observations faites au microscope, Needham confirme la véracité de la théorie de la génération spontanée

Malgré la conclusion erronée, comme on le sait maintenant, il est important de noter que c’est la première fois qu’une démarche scientifique était réalisée dans le domaine de la génération spontanée. D’ailleurs, s’il avait été un peu plus rigoureux quant à la propreté de son matériel, il est fort probable que la conclusion de Needham aurait été à l’opposé de ce qu’elle fut !

Même Shakespeare, dans sa pièce de théâtre intitulée « Antoine et Cléopâtre », indique que des serpents et des crocodiles se forment à partir de la boue du Nil.

Antoine et Cléopâtre, une pièce de théâtre, mentionne la théorie de la génération spontanée
La théorie de la génération spontanée est mentionnée jusque dans les pièces de théâtre (ici, celle de Shakespeare)

La génération spontanée est donc un fait. Au même titre que le ciel est bleu et l’herbe verte. Il n’y a pas à discuter sur le sujet !

La théorie de la génération spontanée ébranlée

Pourtant, derrière cette évidence, quelques personnes tentèrent d’émettre l’hypothèse que la génération spontanée n’existe pas.

Le premier d’entre eux n’est autre que Homère. En effet, il mentionne l’action des mouches dans l’apparition des asticots par quelques vers (sans jeu de mot !) dans l’Iliade : « Mais je crains que les mouches pénètrent dans les blessures du brave fils de Ménoitios, y engendrent des vers, et, souillant ce corps où la vie est éteinte, corrompent tout le cadavre. » (Iliade, chant XIX, vers 23-27[2])

Malgré tout, cette théorie, comme on l’a vue précédemment, est complètement oubliée durant de nombreux siècles.

Fransceco Redi, premier doutes sur la génération spontanée

Génération spontanée? Le doute s'installe avec Fransceco Redi
Le premier savant moderne à remettre en cause la théorie de la génération spontanée fut Fransceco Redi

Fransceco Redi reparti à l’assaut de ce dogme avec sa démonstration en 1668. Ce biologiste italien confirme alors que les asticots qui apparaissent sur un morceau de viande proviennent de mouches[3].

Pour prouver cela, il a utilisé 3 pots dans lesquels il a mis un morceau de viande. Le premier pot était hermétiquement fermé. Le deuxième était recouvert de gaze et enfin le troisième était laissé à l’air libre. Puis il a tout simplement attendu. Dans le premier cas, il n’a vu aucun vers apparaitre. Dans le deuxième cas, les vers étaient sur la gaze et dans le dernier pot ils se trouvaient dans la viande (je te laisse imaginer l’odeur !!) Il en a donc déduit que quelque chose (les mouches !) venait déposer les vers dans la viande lorsque celle-ci n’était pas protégée !

Malgré ces résultats, la génération spontanée reste la théorie la plus répandue et admise de manière générale.

La génération spontanée, une vérité divine difficile à exclure

Quelques années plus tard, en 1672, un certain monsieur André Graindorge voulu démontrer que la macreuse (qui est une variété d’oie) ne provenait pas des bernacles des navires (crustacé se fixant sur la coque des bateaux). En effet, différents scientifiques avaient démontré cette théorie à plusieurs reprises. Selon celle-ci, les crustacés libéraient dans l’air des « germes de vie » qui s’assemblaient ensuite pour former un oiseau. Plus besoin d’un papa et d’une maman oie pour faire un oison !

Les bernacles sont régulièrement mentionnées comme exemple de la théorie de la génération spontanée
Selon une théorie communément admise, les bernacles donnaient naissance…
Les bernaches seraient issues des bernacles
…aux bernaches!

Pour démontrer la fausseté de cette théorie, il réunit l’Académie de physique de Caen et étudia la macreuse. Une fois qu’il avait la preuve que cette théorie était fausse, il envoya ses conclusions à l’Académie des sciences et à la cour de Paris. La sentence fut sans appel : la cour et l’Académie des sciences rejetèrent ses résultats et l’Académie de physique fut dissolue faute d’argent qu’elle ne recevait dorénavant plus! Voilà ! Ca, c’est fait ! Il ne faut pas remettre en cause la sacro-sainte création divine à cette époque !

Autant te dire que se mettre la religion à dos à cette époque, ce n’était ni simple, ni conseillé ! Il faut dire que renier la génération spontanée, c’est renié la création de l’univers par la main de Dieu et renier l’Immaculée Conception (Jésus n’ayant pas de papa biologique « physique » selon la Bible). Ses résultats furent cependant publiés en 1680, 4 ans après sa mort, 8 ans après leur découverte[4].

Le grand conflit éclate

Et puis, près de deux siècle plus tard, en 1858, un certain monsieur Louis Pasteur, osa affirmer, à nouveau, haut et fort que la génération spontanée n’existait pas ! Face à lui, monsieur Félix-Archimède Pouchet, directeur du muséum d’histoire naturelle de Rouen affirmait que des débris d’anciens animaux ou plantes pouvaient s’assembler pour former un nouvel organisme. Il reprenait ainsi la théorie de Needham. Il déclarait alors que les micro-organismes apparaissent par génération spontanée et que, celui qui réfutait cela, réfutait l’existence même de la création divine !

Félix-Archimède Pouchet
Félix-Archimède Pouchet et…
Louis Pasteur contre la théorie de la génération spontanée
…Louis Pasteur s’affrontent sur la scène scientifique.

Au XIXème siècle, les esprits commencent à s’ouvrir…mais il n’en reste pas moins que la religion est un dogme auquel il ne faut mieux pas toucher.

Il y a néanmoins de plus en plus de scientifiques qui remettent en cause la génération spontanée. Un réel conflit scientifique s’engage entre les pro et les anti-génération spontanée !

Louis Pasteur s’est consacré à une série d’expériences rigoureuses sur la fermentation et les micro-organismes. En faisant cela, il contrecarrait tous les arguments avancés par F.-A. Pouchet. Il affirmait que des germes de micro-organismes existaient dans les poussières présentes dans l’air. Selon lui, tous les résultats obtenus par F.-A. Pouchet étaient dus à une contamination par l’air ambiant. Il sous-entendait ainsi que le savant n’avait pas fait ses expériences correctement. Autant te dire que le conflit était ouvert entre ces deux hommes !

C’est ainsi que Pasteur répondit à l’affirmation de Pouchet sur la création divine : « Il n’y a ni religion, ni philosophie, ni athéisme, ni matérialisme qui tienne… Tant pis pour ceux dont les idées philosophiques sont gênées par mes études », 

Résolution du conflit sur la génération spontanée

C’est ainsi que pendant plusieurs décennies, les partisans de la génération spontanée et ceux qui pensaient que des parents étaient essentiels dans l’apparition d’un nouvel être, s’affrontèrent ! Ce conflit toucha son apothéose avec le couple Pouchet-Pasteur

Argumentation par l’expérience

En 1860, Félix-Archimède Pouchet, développa même une machine, l’aéroscope, afin de pouvoir concentrer les éléments présents dans l’air pour pouvoir les analyser et les compter[5]. Ses conclusions étaient sans appel : il n’y a pas assez d’organismes dans l’air pour expliquer la prolifération de champignons/bactéries/virus…La génération spontanée est la seule théorie permettant d’expliquer un tel foisonnement de vie.

L'aéroscope de Pouchet pour compter les microorganismes présents dans l'air
Aéroscope inventé par Pouchet pour étudier les microorganismes présents dans l’air

Au XIXème siècle, l’académie des sciences a l’esprit plus ouvert que du temps d’André Graindorge ! Afin de résoudre le conflit scientifique qui oppose Pasteur à Pouchet, elle convoque les deux hommes et chacun d’eux a pour mission de présenter sa théorie, ses arguments et ses expériences devant l’assemblée de l’académie des sciences afin que celle-ci puisse se faire une idée et trancher le débat.

C’est le 22 juin 1864 que Louis Pasteur, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, exposa sa théorie. Il le dit et le redit : « la génération spontanée est une chimère. Chaque fois qu’on y a cru, on a été le jouet d’une erreur ».

Ce jour-là, il propose une expérience qui rentrera dans l’histoire : l’expérience avec les ballons à col de cygne. Le principe en est très simple : il utilise un ballon muni d’un « col » long, fin et tortueux. A l’intérieur de ce ballon, une substance est mise. Aucun organisme (champignons, vers, bactéries…) n’apparait alors qu’il y en a à l’entrée du col. Il est en conclut que le col est trop sinueux pour permettre le passage des micro-organismes et que ceux-ci se fixent sur le verre avant d’atteindre la substance au fond du ballon.

Col de cygne utilisé par Pasteur pour sa démonstration
Ballon à col de cygne utilisé par Pasteur lors de sa démonstration

Félix-Archimède Pouchet, expose à son tour sa théorie.

Fin de la théorie de la génération spontanée

L’académie des sciences mettra quelques mois à rendre à son verdict. Mais le 20 février 1865, la sentence est prononcée : la génération spontanée n’existe pas ! Un être nouveau ne peut pas apparaitre sans qu’il y ait des parents dans l’histoire. L’académie donne raison à Louis Pasteur, au détriment de Felix-Archimède Pouchet. Ce dernier resta pourtant convaincu de la justesse de sa théorie jusqu’à sa mort.

Finalement, pour résoudre ce conflit scientifique, il fallut attendre qu’une tierce personne impartiale (l’académie des sciences, qui n’est devenue impartiale qu’au XIXème siècle) propose à chaque « camp » d’exposer son point de vue, calmement, avec des arguments concrets afin que chacun puisse se faire une idée et trouve une solution à ce dilemme : génération spontanée ou non ?

C’est donc depuis 1965 que le monde scientifique a officiellement réfuté la théorie de la génération spontanée. Mais ce que l’on ne sait toujours pas, c’est comment est apparu le tout premier être vivant sur Terre il y a 3 milliards d’année, celui duquel est descendu tous les êtres vivants que nous connaissons aujourd’hui !

Connais-tu d’autres conflits scientifiques?

Bibliographie de la théorie de la génération spontanée

[1]      J. T. Needham, Nouvelles découvertes faites avec le microscope. Leide, 1747. Consulté le: 20 février 2023. [En ligne]. Disponible sur: http://archive.org/details/nouvellesdcouv01need

[2]      « Iliade Homère Chant 19 ». http://philoctetes.free.fr/ilchant19.htm (consulté le 21 février 2023).

[3]      F. (1626-1698) A. du texte Redi, Esperienze intorno alla generazione degl’insetti ([Reprod.]) / fatte da Francesco Redi. 1668. Consulté le: 20 février 2023. [En ligne]. Disponible sur: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k51322c

[4]      A. Graindorge, Traité de l’origine des macreuses. Chez Jean Poisson, ruë Nôtre-Dame, 1680.

[5]      A. des sciences (France) A. du texte, « Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences / publiés… par MM. les secrétaires perpétuels », Gallica, 1 janvier 1860. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3007r (consulté le 20 février 2023).

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2 réponses

  1. A.Sophie dit :

    Merci Claire pour cet article très intéressant ! Et merci pour ta participation à mon carnaval sur les conflits ! Oui, quel est le 1er apparu : l’œuf ou la poule ?
    Un affrontement d’idées qui met les comités scientifiques en émoi !

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