Plantes sensitives, ou comment les plantes sont capables de bouger?

Plantes sensitives, ou comment les plantes sont capables de bouger?

Comment fonctionnent les plantes sensitives?

Comment fonctionne les plantes sensitives ? Et tout d’abord, qu’est-ce qu’une plante sensitive ? C’est ce que je te propose de découvrir aujourd’hui ! Le monde fascinant des plantes cache bien des secrets et les plantes ne sont pas aussi immobiles qu’elles n’y paraissent !

Qu’est-ce qu’une plante sensitive ?

Commençons par le début ! Une plante sensitive est une plante qui réagit dans certaines circonstances. Elle est capable de détecter une simulation extérieure (qui provient de son environnement) puis de bouger. Mais mettons tout de suite les choses au clair ! Je ne parle ici ni de plantes qui oscillent sous l’action du vent, ni de plantes qui prendraient leurs jambes à leur cou en cas de danger ! Non, je parle d’autres mouvements : ceux qui sont initiés par la plante elle-même et non pas subi mais qui ne lui permettent pas de se déplacer. Et bien oui ! On peut bouger sans se déplacer !

Les plantes sensitives sont capables de bouger
Une plante sensitive est capable de bouger par elle-même, sans l’action du vent par exemple.

Dans quelles circonstances une plante va-t-elle se mettre à bouger ? Il y a plusieurs possibilités : une lumière, une température, une humidité ou encore un choc. Tous ces évènements sont appelés des stimuli (attention, on dit un stimulus, mais des stimuli…vieil héritage de nos lointains ancêtres romains qui parlaient le latin !).

Ce qui te permet de bouger, toi, ce sont tes muscles. C’est la même chose pour les animaux. Mais la plante, elle, n’a pas de muscles ! Alors comment fait-elle pour bouger ? C’est ce que les chercheurs étudient depuis une trentaine d’années et que je te propose maintenant de découvrir !

Les mouvements rapides

Commençons par nous intéresser aux mouvements dit rapides. Ils s’effectuent en quelques secondes voire quelques minutes. Si, si ! Je t’assure ! Certaines plantes sont capables de bouger aussi vite que cela !

Comment cela fonctionne ?

C’est une histoire d’eau ! Et oui ! Les cellules sont remplies de tout un tas d’éléments dont du liquide qui s’apparente à de l’eau ! Lorsque des capteurs qui se trouvent à des endroits stratégiques de la plante, détectent une situation qui nécessite un mouvement, ils envoient le signal à certaines cellules qui vont alors envoyer leur stock d’eau à l’extérieur d’elles-mêmes ! Elles font sortir le liquide qu’elles contiennent. Problème ? Ce liquide permet à la cellule d’être bien robuste et rondelette (on dit que la cellule est turgescente). Une fois l’eau partie, les cellules vont se ratatiner sur elles-mêmes et devenir plus petite (on dit que la pression de turgescence diminue).

C’est parce que de nombreuses cellules situées à un même endroit (là où le stimulus a été détecté) se ratatinent sur elles-mêmes que la plante va bouger ! Des feuilles vont changer de position ou des pétales vont se refermer.

Certaines plantes sont sensibles à la lumière
Quand les cellules ont la même taille des deux côtés, la tige (ou le pétale) est droite (A), mais lorsque les cellules sont plus petites d’un côté que de l’autre (B), la tige se penche.

Pour revenir à un état « normal », il faudra que les cellules pompent à nouveau de l’eau dans leur environnement. Cela peut prendre plusieurs minutes à plusieurs heures selon les espèces[1].

Quelques exemples de plantes sensitives capables de bouger rapidement

Je te propose maintenant de découvrir quelques plantes sensitives qui sont capables de bouger rapidement suite à la détection d’une certaine situation.

Le Mimosa pudica

Les mimosa pudica sont des plantes sensitives
Le Mimosa pudica est une plante sensitive capable de détecter un contact

L’exemple le plus connus est sans doute celui du Mimosa pudica (qui n’a rien à voir avec le mimosa que l’on peut trouver sur la Côté d’Azur). Il suffit de toucher ses feuilles pour qu’aussitôt elles se referment (cela ne prend que quelques secondes). Cette plante vit en Amérique du Sud mais on peut parfois la voir en France, en pot. Elle est alors plus petite que dans son habitat naturel (30 cm contre 80 cm-1m).

Au moindre choc, ses feuilles vont se replier. Le choc peut être provoqué par des gouttes de pluie qui tombent, le vent ou tout simplement un animal qui passe dans les environs. D’ailleurs, cette stratégie aurait été développée par le Mimosa pudica pour se protéger des animaux qui voudraient le manger. En effet, le mimosa semble malade voire mort, lorsque ses feuilles sont repliées. Pour aller plus loin, je dirais que le Mimosa pudica est capable « d’apprendre ». En effet, une étude a démontré que le Mimosa pudica perd sa faculté de replie s’il reçoit de manière répétitive un même choc inoffensif[2].

La Dionée attrape-mouche

Les dionées attrape-mouche sont des plantes sensitives

Une autre plante sensitive a développé la même stratégie de replie mais dans un tout autre objectif ! En effet, la plante carnivore appelée dionée attrape-mouche utilise cette technique pour attraper des insectes qui viennent se poser sur ses feuilles. C’est en touchant des poils présents au creux des feuilles, que les insectes déclenchent la fermeture de celles-ci, se retrouvant alors pris au piège pour servir de festin à la belle dionée.

Si tu veux en savoir plus sur les plantes carnivores, je te conseille de lire cet article qui perce les secrets de ces plantes particulières.

Cette dionée attrape-mouche se trouve de manière naturelle principalement sur la côte ouest des Etats-Unis d’Amérique mais elle peut également trouver son bonheur dans un pot dans ton salon par exemple.

Cette capacité à bouger après un contacté est appelée la thigmonastie.

ATTENTION : âmes sensibles et amoureuses des petites bêtes…Les petites bêtes se font manger!

Tulipe, belle de nuit et autres fleurs de lumière ou d’obscurité

Le même mécanisme est utilisé chez les plantes dont les fleurs se ferment lorsque la nuit tombe. C’est le cas pour les tulipes mais aussi pour bien d’autres plantes sensitives. Dans ce cas-là, ce sont des capteurs de lumière qui détectent que le soleil se couche. La même suite de réactions se met alors en place, les cellules se vident de leur eau et les pétales se referment.

Il s’agit là d’une stratégie de protection qui permet de mettre à l’abri des organes essentiels à la plante qui se trouvent au centre des fleurs. Cela permet également d’avoir l’air moins appétissante pour les éventuels herbivores qui passeraient pas là. En effet, les feuilles se trouvent à l’horizontal lorsque le soleil est présent pour pouvoir capter le plus de lumière possible (essentiel à la vie de la plante). Puis le soir venu, les feuilles se relâchent et « pendent » à la verticale[3] donnant l’impression que la plante est en mauvaise santé.

Au contraire, certaines fleurs ne s’ouvrent que la nuit. Cette stratégie est retrouvée chez les plantes dont les pollinisateurs ne sortent que la nuit.

Ce mouvement induit par la lumière est appelé nyctinastie.

La belle-de-nuit est capable de détecter la nuit
La mirabilis jalapa, plus connue sous le nom de belle-de-nuit, ouvre ses fleurs lorsque la nuit tombe.

De nombreuses fleurs s’ouvrent et se ferment selon la lumière du jour. A tel point qu’un monsieur nommé Carl von Linné, scientifique du XVIIIème siècle a inventé une horloge florale. Celle-ci indique, heure après heure, quelles sont les fleurs qui s’ouvrent. Bien sûr, une telle horloge n’est pas très précise. En effet, bien que la lumière soit le facteur principale, d’autres caractéristiques telles que la température, ou l’humidité peuvent influencer l’heure d’ouverture des fleurs.

Les mouvements lents

Les mouvements rapides ne sont pas les seuls qu’une plante peut effectuer. Il existe aussi des mouvements plus lents, invisibles à l’œil nu et qui, pourtant, sont bien là !

Comment cela fonctionne ?

C’est un tout autre fonctionnement qui entre en jeu lorsque les plantes sensitives effectuent un mouvement lent. Bien évidemment, le début reste identique aux mouvements rapide. C’est-à-dire qu’il y a un capteur qui va permettre de détecter une situation particulière comme un choc ou une lumière. Cette détection va enclencher une suite de réactions. Au final, la quantité d’une certaine molécule, que l’on appelle l’auxine, va augmenter à l’opposé du capteur[4].

Auxine ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Et bien c’est tout simplement une hormone de croissance ! C’est-à-dire que la plante va se mettre à pousser plus rapidement d’un côté (là où il y a de l’auxine) que de l’autre. La plante va donc se « déformer » dans une direction bien particulière, qui sera celle de la stimulation. C’est ce qu’on appelle le modèle de Cholodny-Went (du nom des deux gars qui ont découvert ce procédé à la fin des années 1920)[5].

A noter que je ne parle ici que des plantes qui bougent au cours de leur croissance. Mais il est également possible pour une plante qui a déjà sa taille adulte de bouger. Par exemple, un arbre qui pousse sur un terrain pentu va être capable de se redresser pour être à la verticale. C’est également un mouvement lent mais celui-ci est irréversible et ne met pas en cause une hormone de croissance puisque la croissance est terminée. Dans ce cas, il s’agit d’un autre procédé qui met en place la production d’un type de bois spécial dont les fibres sont capables de se rétracter afin de courber l’arbre[5].

Quelques exemples de plantes sensitives qui bougent lentement

Les tournesols sont des plantes sensitives au soleil
Les tournesols sont connus pour s’orienter selon la direction du soleil.

L’exemple le plus connu est sans aucun doute celui du tournesol dont la fleur s’oriente en direction du soleil quel que soit le moment de la journée. Ce mouvement se fait grâce à des capteurs de lumière présents sur la tige de la fleur et qui vont permettre l’accumulation de l’hormone de croissance dans la partie ombragée de la tige.

Dans ce cas, c’est toute la lumière du soleil qui est détectée. Mais il est également possible pour certaines plantes de détecter des longueurs d’ondes précises. Au hasard, la longueur d’onde verte[6]. Cela leur permet de détecter qu’elles ne sont pas seules dans le coin et qu’il y a des voisines qui tentent, elles aussi, de grandir (et qui émettent une lumière verte)[5].

Il existe également des plantes sensitives qui vont être détecter lorsqu’elles touchent quelque chose. Par exemple, le liseron possède comme des petites tiges en tire-bouchon (que l’on appelle vrilles) qui lui permettent de sonder l’environnement. Quand elles rencontrent quelque chose, les capteurs de contact se mettent en route et la croissance va être favorisée dans la direction de ce contact afin que la plante puisse s’y accrocher. C’est grosso modo le même principe chez toutes les plantes grimpantes. Cette croissance encouragée par un contact avec quelque chose s’appelle le thigmotropisme.

Mais à l’opposé, certaines plantes vont fuir le contact. C’est le cas par exemple lorsque des racines rencontre une pierre. La croissance de la racine va alors être favorisée dans la direction opposée pour ne pas être gênée par l’obstacle et pouvoir continuer la croissance.

Les plantes entrent en mouvement

Il pourrait être facile de croire que les plantes sensitives ne réagissent qu’à un seul stimulus, de façon simple et caractérisée. Mais la vérité est bien plus complexe. Les plantes reçoivent de nombreuses stimulations à chaque instant : température, lumière, gravité, touché…et c’est l’ensemble de ces stimuli qui provoque un mouvement chez la plante[5]. Tous ces mécanismes ne sont pas encore entièrement compris mais les scientifiques percent de plus en plus les secrets des mouvements chez les plantes.

As-tu déjà remarqué des mouvements chez une plante ?

Bibliographie sur les plantes sensitives

[1]         T. Hagihara et M. Toyota, « Mechanical Signaling in the Sensitive Plant Mimosa pudica L. », Plants, vol. 9, no 5, p. 587, mai 2020, doi: 10.3390/plants9050587.

[2]         C. I. Abramson et A. M. Chicas-Mosier, « Learning in Plants: Lessons from Mimosa pudica », Front. Psychol., vol. 7, 2016, Consulté le: 28 juillet 2023. [En ligne]. Disponible sur: https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2016.00417

[3]         P. V. Minorsky, « The functions of foliar nyctinasty: a review and hypothesis », Biol. Rev., vol. 94, no 1, p. 216‑229, 2019, doi: 10.1111/brv.12444.

[4]         J. M. Christie et A. S. Murphy, « Shoot phototropism in higher plants: New light through old concepts », Am. J. Bot., vol. 100, no 1, p. 35‑46, 2013, doi: 10.3732/ajb.1200340.

[5]         C. Lenne, O. Bodeau, et B. Moulia, « Percevoir et bouger : les plantes aussi ! », Pour Sci., vol. 438, no Avril 2014, p. 40‑47, 2014.

[6]         C. L. Ballaré, « Keeping up with the neighbours: phytochrome sensing and other signalling mechanisms », Trends Plant Sci., vol. 4, no 3, p. 97‑102, mars 1999, doi: 10.1016/s1360-1385(99)01383-7.

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14 réponses

  1. Christèle dit :

    Merci pour ton article très intéressant!
    On avait regarde pas mal de reportage sur la plante carnivore attrapé mouche, car mon fils était passionné par sa capacité à attraper ses proies!

  2. J’adore ces plantes, elles m’ont marquées enfants. C’est intéressant de comprendre le « machanisme » derrière 🙂 Et le mimosa pudica est je crois mon préféré <3

    • De mon côté, je ne sais pas si je préfère le mimosa ou la dionée…les deux sont tellement impressionnantes à se refermer aussi rapidement! As-tu déjà essayé d’en cultiver?

  3. Merci pour ton article : c’est absolument fascinant, la nature est terriblement bien faite! et je vois un parallèle avec nos fascias, les tissus que nous avons partout dans notre corps telle une toile d’araignée et qui réagissent à tous nos stimuli physico.émotionnels 🙂

  4. Jessica dit :

    le monde des plantes est fascinant ! J’ai appris bcp de choses avec ton article, et j’ai bien aimé les vidéos aussi !!

  5. sebastien dit :

    Merci pour ton article 😉 Je ne connaissais pas le principe des plantes sensitives. Je vais pouvoir « briller » lors du prochain repas de famille 🙂

  6. Très intéressant! J’ai publié un article sur Mimosa pudica mais du point de vue de la jardinière amateure… Je suis donc ravie d’en avoir appris plus sur les mouvements des plantes grâce à ce texte; merci beaucoup!

  7. Un grand merci pour cet article très complet, j’avais eu l’occasion de lire un article sur les plantes carnivores sensitives mais je ne pensais pas que la gamme des plantes sensitives était aussi vaste. On ne peut que s’émerveiller devant une nature à la fois simple et complexe.

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